Le Jour où je me suis faite peloter.
Accoudée au massif bureau de bois, je trouve enfin le temps d’écrire et de mettre à jour mon carnet de voyage. Depuis ma villa au bord de l’eau d’accord j’entends la mer, mais si je tends l’oreille, il y a aussi le muezzin qui appelle à la prière… Je crois que c’est le son que je préfère au monde. Je ne vois pas où se situe le minaret mais j’imagine qu’il ne se trouve probablement pas sur mon île occidentalisée. Je me rappelle à l’instant que les Maldives sont musulmanes, même si dans les hôtels de luxe du pays, l’alcool est servi sans restriction. C’est donc le cas au Soneva Fushi, posé sur le sable blanc de Kunfunadhoo dans l’atoll de Baa, une centaine de kilomètres au nord de l’aéroport principal de l’archipel. Hier à mon arrivée, j’ai survolé par hydravion une dizaine d’atolls avant de pouvoir rejoindre mon île-hôtel. Et devant tant de beauté, je me suis inclinée: j’ai pleuré! Les teintes turquoises sont encore plus belles vues d’en haut. Aujourd’hui les chants de la mosquée m’emplissent d’un sentiment de plénitude et de réconfort qui me transporte toujours un peu plus. Et je le laisse résonner en moi un moment avant de partir à la découverte des environs, qui s’annoncent surprenants et dépaysants.
Il est certain que l’hôtel vise l’empreinte environnementale zéro: ici pas même une paille en plastique dans son cocktail.
J’apprends très vite que dans le type d’établissement où je suis invitée, une personne dévouée s’emploie à exaucer tous nos vœux. Mon ‘’Mister Friday’’ comme on l’appelle ici, se prénomme Hannan et veille donc à tous mes besoins quotidiens, me suivant discrètement et partout comme mon ombre! C’est lui qui m’explique que la vie sur l’atoll répond au crédo du Slow Life, qui signifie Sustainable Local Organic Wholesome Learning Inspiring Fun Experiences*. Car à l’origine du Soneva Fushi ouvert en 1995, il y a Sonu et Eva Shivdasani, réputés pour leur respect de l’environnement. C’est ce qui m’amène ici aujourd’hui, et je peux rapidement témoigner des importantes initiatives et résolutions mises en place par leurs soins au sein de leurs installations. Pour limiter les déchets en plastique sur leur île tout d’abord, seules les bouteilles en verre y sont autorisées. Un concasseur sert d’ailleurs à toute la communauté et la sensibilise ainsi au recyclage. Je deviens tout autant admirative de leur poulailler et potager bios, de leurs insecticides et produits d’entretien naturels ainsi que de leur usine de dessalement de l’eau. Carton, verre, matières organiques et métal sont directement traités dans leur éco-centre. Le luxe intelligent existerait-il? Il est certain que l’hôtel vise l’empreinte environnementale zéro: ici pas même une paille en plastique dans son cocktail. Même les constructions limitent au maximum leur impact sur le sol grâce au bois certifié utilisé depuis les pontons jusqu’aux restaurants. Les panneaux solaires quant à eux sont bien sûr omniprésents. Ici on circule aussi à vélo. Louable. Il reste qu’à ce prix-là, nous restons malheureusement très peu à pouvoir nous offrir ce type de séjour…
(…) je me retrouve dans un environnement incroyablement plus pittoresque, à des années lumières du luxe que je viens de quitter.
Au-delà de leurs efforts, les propriétaires tentent aussi d’étendre leur philosophie au reste du pays et la tâche est colossale. Le personnel est ainsi envoyé mener des actions de sensibilisation ou nettoyer les plages des autres villages locaux. Si proches et pourtant si reculés… Je décide d’ailleurs d’accompagner Shafyq, un des serveurs du resort, sur l’île voisine de Maalhos dont il est originaire. Après une rapide traversée des eaux cristallines en dhoni*, je me retrouve dans un environnement incroyablement plus pittoresque, à des années lumières du luxe que je viens de quitter. Ici rien ne ressemble plus aux photos de cartes postales décrivant les Maldives… Mon hôte est pourtant fier de me présenter sa famille et de me faire goûter les plats typiques, avant de m’emmener à la découverte de son île. Les jolies petites maisons en pierre me charment mais semblent bien désertes. Comme chaque vendredi, les femmes investissent le village avec leurs balais de fortune et je les observe nettoyer les rues pendant que leurs hommes, eux, se réjouissent autrement… On les retrouve à discuter, se prélassant dans des fauteuils de corde. Ou encore au beau milieu de la rue, en train de jouer des heures durant. Je les observe et tente tant bien que mal de saisir les règles de leur divertissement sans jamais y parvenir.
Je me sens légèrement épiée par moments mais nullement menacée.
Sur la plage, la mer a brassé une quantité énorme de détritus dont personne ne semble se formaliser. C’est là le drame du pays : une gestion problématique des déchets que l’on tait aux touristes alors qu’ils en sont probablement la cause principale. La vision de cette pollution m’attriste mais les autochtones ne semblent guère s’en soucier ; effectivement, la petite blanche en visite suscite beaucoup plus d’intérêt ! Je me sens légèrement épiée par moments mais nullement menacée. Ce pourquoi j’hésite entre un fou rire et une grosse colère lorsque je me fais furtivement peloter en pleine rue par un petit vieux en jupe traditionnelle. Probablement inspiré par la pénombre, le grand-père malavisé décide en effet de poser subrepticement ses doigts indélicats sur ma poitrine, alors que Shafyq, mon protecteur du jour, ne me quitte des yeux que quelques secondes à peine. La nuit tombante lui offre la couverture nécessaire à la témérité de son acte, qui reste secret. Embarrassée, je décide de ne pas trop m’en offusquer mais plutôt de quitter les lieux au plus vite… J’observe une dernière fois les habitants vaquer à leurs paisibles occupations avant de rejoindre mes pénates, mon refuge !
La destination, très populaire auprès des plongeurs, souffre également d’une pêche abusive (…)
Je me sens cependant réellement privilégiée d’avoir pu observer cette face cachée des Maldives, constamment décrites comme paradisiaques, mais loin d’être exemplaires en matière d’écologie… A Malé par exemple, je réalise qu’il n’y a plus de place : c’est en effet la capitale la plus dense au monde, devant Hong-Kong ! La gestion des déchets y est très problématique et me saute aux yeux: aucune poubelle n’est présente dans les rues et les déchets finissent au sol, et pire, directement dans la mer. La seule île prenant en charge le traitement des déchets, elle, déborde et la situation devient vraiment préoccupante… La destination, très populaire auprès des plongeurs, souffre également d’une pêche abusive malgré la décision du gouvernement de protéger tortues et requins, ainsi que de proscrire les longs filets. Enfin, c’est tout l’archipel qui est menacé par le réchauffement climatique. Les Maldives doivent donc trouver des solutions d’urgence pour se protéger. Un bel exemple est l’île artificielle d’Hulhumalé, juste derrière la capitale. Non seulement ces 1,8km2 de récif surélevé par l’homme sont destinés à désengorger la métropole voisine, mais surtout à lutter contre la montée des eaux annoncée. Si seulement ces constructions pouvaient se montrer plus respectueuses de l’environnement en général… C’est tout le destin d’un pays qui reste à prendre en main.
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Slow Life* = équivalent de développement bio durable et expériences inspirantes amusantes…
Dhoni* = le bateau de bois traditionnel maldivien.
INFORMATIONS PRATIQUES
Il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir s’offrir un séjour au Soneva Fushi. Beyoncé et Woody Allen font partie des clients réguliers… Membre de la chaîne hôtelière Six Senses, le resort est en effet parmi les plus chers des Maldives. Durant mon séjour, j’y ai notamment croisé Tilda Swinton au verre de bienvenue offert par le personnel, sur un banc de sable voisin privatisé.
Quoi qu’il en soit, pour vivre un séjour de rêve et respectueux de l’environnement, rendez-vous ici : https://www.soneva.com/soneva-fushi/
Le lieu offre des chambres et des villas familiales privatives, plusieurs restaurants, un centre de plongée récent et même un cinéma en plein air. Le transfert en hydravion est inclus dans le prix du séjour.
Attention, l’heure locale Maldivienne est parfois différente sur les îles-resort où les hôtels peuvent décider d’enlever ou d’ajouter 1 heure par rapport à l’heure officielle!
OU DORMIR
Il y a bien sûr beaucoup d’options d’hébergement aux Maldives, sur tout l’archipel mais aussi sur des liveaboards.
A Malé vous pourrez trouver quelques options peu onéreuses mais les environs sont assez déplaisants! Il reste cependant que la destination se popularise et les tours opérateurs proposent des offres combinées (vol + séjour) intéressantes et généralement imbattables. Le tourisme chez l’habitant est en réalité interdit sur place et même si AirBnB offre quelques opportunités, je vous invite à bien les vérifier avant votre départ!