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Le jour où je suis restée coincée dans un canyon.

Exif_JPEG_PICTUREA Luderitz, sur la côte ouest de la Namibie, le vent souffle fort et les quelques bâtisses colorées de la ville sont littéralement coincées entre la mer agitée et les immenses dunes de sable. Il n’y pas grand chose à y faire – ni grand-chose à y voir – à part peut-être le proche et fascinant village minier abandonné de Kolmanskop. En rentrant après une courte journée de visite, je décide donc d’étudier ma carte routière pour poursuivre mon chemin au plus vite. Mes velléités de départ semblent également intéresser une autre voyageuse de l’auberge de jeunesse. Maggie est une grande hollandaise, blonde, d’une quarantaine d’années mais on lui en donne beaucoup moins. Elle visite l’Afrique depuis cinq mois et cherche dorénavant à rejoindre le Cap, après trois semaines passées ici. J’imagine mal à quoi elle a bien pu passer son temps dans le coin! Je lui propose de m’accompagner, de jouer la co-pilote et de me soulager de la fatigue après quelques milliers de kilomètres déjà parcourus dans le pays, seule au volant. En effet, ici les distances sont longues et les conditions de conduite très difficiles, surtout dans une voiture mal adaptée. Elle accepte quelques minutes avant mon départ, et nous voilà parties sur les pistes namibiennes pour quelques quatre heures de trajet.

Le sol sec est noir; au loin les dunes s’éloignent mais les premiers quiver trees font leur apparition (…)

Après une bonne heure à rouler sous un soleil de plomb, un obstacle se profile devant nous: une petite rivière, même pas en crue. Que ma Ford Ikon franchit sans encombre… Le problème, c’est le sable qu’il y a juste derrière, empêchant tout ce qui n’est pas un 4×4 de rejoindre la continuité de la route! Je regarde ma partenaire, sceptique elle aussi sur nos chances de franchir ce mini « désert »… Je sors de la voiture, explore, évalue, réfléchis, mais ne parviens pas à me convaincre d’un quelconque succès. Par précaution il nous faut rebrousser chemin pour éviter l’enlisement sur cette route bien trop isolée. Maggie se souvient alors être déjà passée ici quelques jours plus tôt. Elle évoque une route parallèle et un petit guêt qu’elle estime franchissable: un raccourci salvateur en somme. J’hésite. Si cette option ne marche pas, c’est plus de deux heures qui seront perdues et conduire de nuit sur ces pistes si dégradées ne m’enchante guère… Mais le barrage arrive rapidement. L’eau est profonde d’environ 10 cm, rien que la voiture ne puisse surmonter. Cette fois, ça marche! Quelques kilomètres plus tard, la voiture rejoint enfin la fameuse piste 545 originelle. Cette péripétie n’augure peut-être rien de bon mais je préfère contempler le paysage, aride. Le sol sec devient noir; au loin les dunes s’éloignent mais les premiers quiver trees* font leur apparition et je tombe immédiatement sous leur charme. Magique!

(…) ce soir j’ai enfin quelqu’un à qui parler et avec qui partager mon repas après plusieurs semaines de solitude.

La poussière que soulève la voiture s’infiltre partout dans l’habitacle. Je décide de terminer le trajet fenêtres ouvertes pour gagner un peu de fraîcheur, sans grand succès. L’air est incroyablement chaud. Nous croisons à peine un ou deux autres véhicules avant d’atteindre le camping, vers 19h. J’ai un quart d’heure avant la nuit pour planter ma tente et nous faire à manger. Maggie n’a rien pour dormir mais je lui laisse volontiers mon hamac. Si elle a froid, elle pourra toujours trouver refuge dans la voiture. La soirée est douce et se passe tranquillement. La lune est presque pleine, la température moins suffocante que le jour. Les voisins, un groupe de sud-africains, décident de nous gratifier de leur musique sonore mais qu’importe. Après tout, ce soir j’ai enfin quelqu’un à qui parler et avec qui partager mon repas après plusieurs semaines de solitude. Le lendemain nous programmons de dormir un peu et de nous rendre au canyon, quelques trois kilomètres plus bas. Fatiguée, je laisse les clés à ma compagne de voyage puis rejoins ma tente où je m’assoupis rapidement.

(…) les touristes venus visiter le canyon, les employés du restaurant voisin se relaient autour de la voiture pour trouver une solution à notre problème. Sans succès.

Dans un demi-sommeil, j’entends du bruit dans la voiture. Puis le coffre qui se ferme et Maggie qui m’appelle, confuse… Je comprends immédiatement ce qu’il vient de se jouer. Je n’ai aucune envie de sortir pour qu’elle me confirme qu’elle vient de coincer les clés à l’intérieur du véhicule. Je prends pourtant sur moi et la rejoins, j’écoute ses explications et intérieurement, enrage. Il n’y a rien à faire pour le moment et je l’envoie se coucher: on y réfléchira demain. Après une mauvaise et courte nuit, nous voilà à explorer toutes les possibilités. Casser une vitre? Non, les clés sont dans le coffre, et les sièges ne se rabattent pas de toute façon. Forcer la serrure du coffre? Oui, mais rien ni personne n’y parvient. Les voisins sud-africains décident même d’essayer la vieille technique du fil de fer pour tenter d’ouvrir les portes mais rien n’y fait. Pendant toute la matinée les gens du camping, les touristes venus visiter le canyon, les employés du restaurant voisin se relaient autour de la voiture pour trouver une solution à notre problème. Sans succès. Pendant ce temps, Maggie reste assise à la table de camping, impassible et lisant son livre  en toute quiétude!

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(…) je me mets à pleurer d’épuisement et de découragement. Mais il me faut garder espoir…

Pas une seconde ma compagne de voyage ne me soutient ou s’excuse pour la situation inconfortable qu’elle a engendrée. Pour la première fois depuis mon départ autour du monde, je me mets à pleurer d’épuisement et de découragement. Isolée à l’autre bout de l’Afrique, mes émotions sont décuplées. Mais il me faut garder espoir… C’est alors que la gérante du Parc National (dont fait partie le Fish River Canyon) fait son apparition, et m’interroge sur la voiture. Si celle-ci a été louée à Windhoek, située à 650 kilomètres de là (et près de 10 heures de route), alors elle a peut-être une solution… Elle m’explique en effet que le camping ne possède plus d’électricité depuis quelques jours. Le problème est tel que son supérieur doit normalement prendre l’avion depuis la capitale aujourd’hui-même, afin d’évaluer les défauts de fonctionnement du système. Laurencia me propose donc d’appeler son patron pour lui faire part de ma situation. Et celui-ci accepte immédiatement d’aller récupérer un double de mes clés chez le loueur pour me les apporter. Les mots me manquent pour remercier mes deux anges gardiens comme il se doit.

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Je retourne à ma solitude qui à présent me soulage.

Quelques heures plus tard, j’entends enfin un moteur et m’extasie à la vue du Cessna 172 fendant l’air au-dessus de ma tête. J’ai du mal à y croire. Pourtant, mon sauveur débarque bien les clés à la main… Comme un épilogue tombé du ciel! Le coffre est finalement ouvert sans encombre et le premier trousseau récupéré. Soulagée, j’invite Maggie à trouver une autre voiture pour continuer sa route, en tentant de lui expliquer tant bien que mal que je préfère dorénavant me passer de ses prouesses! Je décide ensuite de rester une autre nuit sur place, afin de me remettre paisiblement de mes émotions. Je retourne à ma solitude qui à présent me soulage. Le lendemain, je me rends finalement au point de vue principal du Fish River Canyon au soleil couchant. Je ne trouve pas l’endroit d’un grand intérêt. Mais lorsque je tourne le dos et que je contemple alors la pleine lune perdue dans les tons rosés, je m’extasie. Avant qu’il ne soit trop tard, j’appuie. Je suis ravie: j’ai ma première plaque*.

***

* quiver tree = le kokerboom (aloe dichotoma), littéralement « arbre carquois », est un arbre endémique de l’Afrique australe (Namibie et Nord-Ouest du Cap). Plutôt qu’un arbre, c’est en fait une plante géante et robuste, portée par un tronc raide et blanc, que coiffe une boule de feuilles étroites et épaisses. (Source Petit Futé)

* plaque = dans le jargon photographique, un cliché qui nous emballe particulièrement!

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quiverdrawingCONSEILS PRATIQUES

Mon conseil majeur serait de ne pas partir seul(e) en Namibie! C’est un des plus grands regrets de mon tour du monde… Les pistes sont en mauvais état, et il vous faudra – le cas échéant – conduire seul sur de la tolle ondulée sur des milliers de kilomètres. Pendant les grosses pluies, il peut y avoir des flaques énormes: c’est un ainsi que j’ai crevé seule au milieu de nulle part en estimant mal la profondeur d’un trou rempli d’eau! 

Ne choisissez pas comme moi une sedan mais bien un véhicule tout-terrain. La Namibie fait la taille de la France mais sa densité est la plus faible d’Afrique. Inutile donc de vous dire que vous croiserez peu de monde pour vous venir en aide en cas de problème, surtout en basse saison (l’hiver en général)… Sur place, des 4×4 plus ou moins équipés avec tente intégrée sur le toit (particulièrement adapté à la destination afin de se protéger de la faune nocturne) sont disponibles à la location  – comptez environ 1000€ par semaine essence incluse. Pensez à effectuer votre permis international avant le départ!

Visiter le pays en mode « backpacker » est d’une complexité extrême puisque les transports en commun et auberges de jeunesse sont quasi-inexistants… De plus, la Namibie reste globalement onéreuse notamment au niveau restauration, droits d’entrée des parcs naturels et provisions. Enfin sur place, on s’extasiera plus sur les paysages que sur les rencontres avec les autochtones!

OU DORMIR

Vous pourrez trouver quelques B&B confortables et autres lodges luxueux dans le coin du Parc Naturel d’Etosha au nord du pays, mais aussi dans le magnifique désert du Kalahari vers le Bostwana ou le delta de l’Okavango. Pour le reste, la Namibie est un lieu de très grands espaces où le camping reste à privilégier.

Le pays dispose de beaucoup de sites où s’arrêter et les campings comptent généralement tous les standards européens. Chaque camping offre barbecues et foyers prévus pour allumer un feu de camp. Vous y trouverez aussi l’électricité et des sanitaires complets pour des sommes modiques (environ 20€/nuit maximum). Il ne sera pas rare de se retrouver absolument seuls sur site! 

Les emplacements peuvent être réservés à l’avance, pour plus d’infos, vous pouvez jeter un oeil confiant ici: https://poesybysophie.com/namibie-guide-camping/. Le camping sauvage, lui, n’est pas vraiment autorisé, mais encore faut-il croiser quelqu’un qui vous dénoncerait! 

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