Le jour où mon pote s’est fait braquer.
On frappe à ma porte. Je suis sortie trop tard la veille pour bien vouloir me réveiller, et je me retourne dans mon lit en prétendant ne rien entendre. On frappe à nouveau, beaucoup plus fort. Je suis toute seule dans un grand dortoir et je finis par demander en criant à l’opportun de quoi il s’agit, à moitié endormie. Lorsque la porte s’ouvre, le froid s’engouffre dans la chambre. Le réveil est violent! Si tôt le matin en altitude, les températures sont encore bien fraîches. Je reconnais bientôt l’un des réceptionnistes qui, après s’être excusé de me déranger, m’annonce que quelqu’un me demande à l’accueil. Je suis toujours aussi confuse: mon tour du monde en solitaire m’a conduit jusqu’à Cuzco, au Pérou, où je ne connais absolument personne. Les seules rencontres que j’ai pu faire depuis mon arrivée sont logées dans cette même auberge de jeunesse, et je doute qu’elles soient déjà debout après notre soirée tardive d’hier… J’essaie d’interroger plus avant mon interlocuteur mais visiblement, il n’en sait pas plus que moi, et je lui demande donc de m’envoyer cette mystérieuse personne pendant que j’enfile rapidement quelques vêtements plus chauds.
Sa réponse me scie et m’effraie à la fois : «Ils m’ont braqué Vivi. Ils m’ont tout pris.»
Alors que je finis à peine de m’habiller, l’homme déboule dans le dortoir. Je le reconnais immédiatement. La personne qui se tient devant moi, cela fait quinze ans que je ne l’ai pas vue. Nous nous sommes simplement retrouvés il y a quelques semaines à Lima, grâce à un ami commun. Le hasard a voulu que nous nous dirigions tous les deux vers le Machu Picchu, incontournable visite du pays, et que nous décidions d’essayer de nous y retrouver ces jours-ci. A présent il est là devant moi, et effondré. En voyant sa confusion et l’émoi sur son visage, je me réveille enfin de ma torpeur. Des larmes coulent abondamment sur son visage. Je le prends rapidement dans mes bras et le fais asseoir sur un des lits voisins. L’impuissance commence à monter en moi devant sa détresse… Angoissée, je lui demande sans plus attendre de tout me raconter. Sa réponse, entre deux sanglots, me scie et m’effraie à la fois: « Ils m’ont braqué Vivi. Ils m’ont tout pris. » Je n’intègre pas tout de suite ce qu’il vient de me dire mais il m’invite à rejoindre avec lui la réception, où nous attend la police locale.
Mon ami ne se rend pas compte de la tournure que s’apprêtent à prendre les événements.
A son atterrissage à Cuzco, M. veut simplement faire quelques économies. Et en sortant de l’aéroport, il fait malheureusement le mauvais choix. Au lieu d’un taxi officiel, il quitte l’enceinte touristique sécurisée des arrivées, décidé à en héler un autre moins onéreux, juste un peu plus loin depuis la rue. Pour une poignée de soles*… La police m’explique alors que le chauffeur sans vergogne lui tend un guet-apens. L’hostel dans lequel nous devions nous rejoindre est situé à une quinzaine de minutes à peine de l’aéroport, en plein centre-ville. Mon ami ne se rend d’abord pas compte que le conducteur l’emmène dans une toute autre direction, pas plus de la tournure que s’apprêtent à prendre les événements. Après un mystérieux conciliabule au téléphone, le plan macabre est mis en route: «El desayuno esta listo»*. Le taxi s’arrête bientôt dans une ruelle des quartiers modestes sans explications. Sans avoir le temps de réagir deux hommes armés grimpent à bord, posent une casquette sur la tête de M. pour lui faire baisser le regard, et lui collent un flingue sur la tempe. L’enfer. Je remercie chaque jour l’univers de n’avoir jamais vécu une telle situation au cours de mes péripéties.
Je n’imagine même pas le traumatisme qu’il a pu subir…
Tout se déroule alors très vite. Ils le détroussent de ses bagages, de son appareil photo, mais surtout de son portefeuille. Ils lui demandent plusieurs fois le code PIN de sa carte bancaire sous la menace du pistolet. Tout cela en anglais et espagnol approximatifs, le plan est bien rôdé. Il est ensuite menacé de représailles, bien sûr, puis il est laissé là sur les hauteurs des mauvais quartiers, complètement déboussolé. Ajoutez au traumatisme de l’attaque les chiens errants qui vous courent après et la totale désorientation face à la méconnaissance de l’endroit, et c’est dans cet état que la police le récupère errant dans les faubourgs malfamés. Il faut maintenant porter plainte et le rassurer. Il faut aussi prévenir sa famille puis les institutions bancaires. Je le dépanne financièrement en attendant son retour en France, et décide de partir avec lui racheter le nécessaire à la fin de son séjour. Nos déambulations nous emmènent à travers la ville que nous finissons par visiter peu à peu. L’ancienne capitale des Incas est charmante: les gens y sont chaleureux et l’ambiance très paisible. Mais je n’imagine même pas le traumatisme qu’il a pu subir… Pourtant je suis admirative de sa capacité de récupération lorsqu’il m’avoue, le soir-même, vouloir continuer le voyage le plus vite possible. Le charme de l’endroit semble donc agir!
La cordillère est d’une beauté époustouflante, et chaque centimètre carré disponible semble utilisé pour l’agriculture
Malgré tout, nous ne pouvons pas rater le fameux Machu Picchu! Et, en dépit d’une arme pointée sur lui, mon compagnon a gardé la présence d’esprit de préserver son passeport, la carte SD de son appareil photo, ainsi que les billets de train pour rejoindre la fameuse citadelle! Rien ne nous empêche donc plus à présent de continuer à profiter du voyage. L’aventure reprend ses droits et nous voilà bientôt en route à travers les somptueuses montagnes andines. La cordillère est d’une beauté époustouflante, et chaque centimètre carré disponible semble utilisé pour l’agriculture, une vision vraiment impressionnante. Même à des hauteurs spectaculaires, rien ne semble arrêter l’exploitation en terrasses des terres cultivables. Je choisis de sillonner ces montagnes en train plutôt qu’à pied (le circuit de l’Inca trail qui traverse la vallée sacrée est très réputé), face aux difficultés que je rencontre avec l’altitude. A plus de 3500 mètres et avec la rareté de l’oxygène, je sens souvent mon corps à la limite de ses capacité physiques, surtout respiratoires… Après huit mois d’exploration, je décide de me préserver et j’opte donc pour la sérénité et le luxe du fameux Vistadome pour rejoindre le saint graal péruvien, bénéficiant ainsi de vues imprenables sur les Andes.
D’abord, je ne parviens presque pas à m’émerveiller devant les vestiges incas…
Nous ne profitons pas du lever de soleil sur le site, pourtant en vogue. A notre arrivée en fin de matinée, les visiteurs se comptent déjà par milliers. Quelques nuages sont encore accrochés aux sommets qui entourent le magnifique sanctuaire que j’ai contemplé en photo si souvent auparavant. D’abord, je ne parviens presque pas à m’émerveiller devant les vestiges incas, tant leur vision depuis le promontoire correspond exactement à la plupart des images que j’ai déjà pu en voir. Puis je décide de partir parcourir les escaliers et les petites allées qui serpentent les lieux, au travers de plates-formes développées et autres pyramides éventrées. L’architecture est redoutable. Je suis impressionnée par les murs de pierre à la maçonnerie impeccable. Au détour de ma promenade, je croise quelques lamas, ces quadrupèdes locaux qui ne respirent décidément pas l’intelligence. Je me plais à les observer m’ignorer, ils restent impassibles à ma présence. Après quelques heures d’imprégnation et d’égarement, je semble enfin prendre conscience du mystère du site et de la magnificence de ses environs, comme au sommet du monde. Le retour à Cuzco la belle succède à la magie de la visite. La nuit est tombée, et le froid refait son apparition. Il est temps de se mettre à l’abri afin de reprendre des forces après ces dernières journées éprouvantes.
***
* soles = monnaie Péruvienne. Pour info, 1 Sol équivaut à 25 centimes d’Euro.
* «El desayuno esta listo» = « Le petit-déjeuner est prêt », un nom de code sophistiqué pour une attaque qui l’a été tout autant…
INFOS PRATIQUES
Non, tout le monde ne se fait pas agresser en voyage! Il arrive simplement qu’un manque de bon-sens nous entraîne dans quelques situations périlleuses. Il vaut parfois mieux payer le prix pour rester en « sécurité »… Pour ma part, je prends toujours des taxis « officiels », notamment en Amérique du Sud, en Amérique Centrale et en Afrique.
Pour rejoindre le Machu Picchu à pied par l’Inca Trail: de 2 à 7 jours de marche, rendez-vous sur ce site qui rassemble toutes les différentes voies d’accès et les meilleures offres d’agences licenciées: http://www.incatrailperu.com/inca_trail_tour_operators.html. Réservez longtemps à l’avance! A partir de 500usd pour une expérience réputée inoubliable mais intense dûe à l’altitude.
Par le train: vous partirez de la station de Poroy, à 18 kilomètres environ de Cuzco. Comptez un minimum de 3h15 pour rejoindre le Machu Picchu, et un tarif compris entre 115 et 130usd pour le Vistadome (panoramique) en fonction des horaires de départ. Vous trouverez toutes les options ici: Perurail. Il existe également une navette pour gravir les dernières centaines de mètres abruptes depuis la gare d’Aguas Calientes. Son prix = 12usd aller, 24usd aller-retour (mon conseil: descendez à pied!).
Le tarif pour visiter la citadelle Inca des sommets s’élève à 70usd pour une demi-journée, avec un nombre limité de 2500 visiteurs (!) par jour – (Ouvert tous les jours de l’année) https://www.ticket-machupicchu.com/ticket/comparative.php?lg=en
OU DORMIR
Cuzco ne manque pas d’options d’hébergements, de la simple auberge de jeunesse à l’hôtel de luxe. Vous trouverez de nombreuses offres à tous les prix, le Pérou restant une destination globalement peu onéreuse.
Pour ma part j’avais choisi la chaîne d’hostels « The Point », présente dans tout le pays, et dont la vaste maison restaurée à Cuzco est colorée et très confortable: http://thepointhostels.com/cusco/. Le rapport qualité-prix est imbattable mais il s’agit d’un endroit où l’on fait beaucoup la fête… Dans le même esprit, essayez le concurrent Loki, après tout il ne vous en coûtera à peine que 7€ par nuit!
Les hôtels les plus confortables, certains atteignant 100€ par nuit, se situent juste à côté de la Plaza Mayor de la ville, en plein centre.