Le Jour où j’ai connu les entrailles de la Terre.
Je suis réveillée par un bruit assourdissant incroyable. J’ai l’impression que même les murs en tremblent. Les boules quiès encore enfoncées sur les tympans, j’essaie de me rappeler où je suis. Le décalage horaire est particulièrement rude et je mets un long moment à me souvenir que je suis arrivée à Hong Kong la veille. Tout en me demandant – incrédule – ce qu’il se passe, je décide de me déboucher les oreilles pour mieux identifier l’origine du vacarme. Toutes les deux secondes, j’entends un choc sourd, régulier et puissant, qui emplit impitoyablement l’atmosphère. Aucune échappatoire ne semble possible, et je ne peux me soustraire à la répétition de ce boucan constant. Je me lève, hagarde, et tente de suivre le son récurrent et perturbant. Par la fenêtre, plus bas, j’aperçois un chantier coincé entre deux immenses tours. Les ouvriers semblent occupés à creuser dans le sol, en témoignent les trous sépulcraux qui les entourent. Je ne distingue aucune machine particulière pourtant je perçois bien l’écho cadencé depuis l’endroit où je me tiens. Les déflagrations continuent alors qu’ils enfoncent je ne sais quoi au plus profond du terrain. Il doit bien sûr s’agir de la phase de fondation. L’érection de la prochaine super structure nécessite probablement toutes ces détonations synonymes de base indestructible. Il paraît que le soutènement à Hong Kong est primordial et peut prendre jusqu’à une année afin que l’ouvrage soit parfaitement inébranlable…
(…) à Hong Kong, tout est décidément bouillonnant: la vie ici est grouillante..
Je suis donc probablement en train de témoigner de l’étape la plus importante de la construction du futur building, cependant la violence des chocs me fait plutôt penser à une profanation. Comme si on attentait à l’intégrité de ma chère planète. Comme si on cherchait à y pénétrer jusqu’au plus profond des entrailles. Un défi, ou plutôt un affront à la dignité de notre Terre qui me révolte presque. Ce son, je le ressens comme une agression et pas seulement sonore, et j’éprouve le besoin palpable de m’en éloigner rapidement. Ce tapage extrême constitue ainsi le parfait prétexte pour m’extirper de l’appartement et partir à la découverte du reste de la ville au plus vite! Et si l’idée est bien de m’échapper, je découvre rapidement qu’à Hong Kong tout est décidément bouillonnant: la vie ici est grouillante. Les habitants traînassent nonchalamment en grappes sur les trottoirs, tel un cheptel lobotomisé. Ils ne traversent uniquement les rues qu’aux signaux sonores, ajoutant encore à la lenteur mais aussi à la sourde rumeur ambiante. Le trafic fourmillant est également franchement conséquent. Et le choc des cultures pour moi décidément omniprésent!
La nuit tombée, je succombe au chatoyant spectacle des enseignes incandescentes…
Je déambule sur des kilomètres vers Times Square ou le Night Market, et emprunte les escalators si réputés de la ville. Partout j’éprouve les mêmes difficultés à me déplacer avec fluidité au milieu de la foule environnante. Je tourne même souvent en rond, le signal de mon GPS semblant fréquemment bloqué par l’architecture géante avoisinante. La chaleur en ce mois de novembre n’est pas étouffante mais la brume se manifeste quotidiennement. Elle diminue les perspectives et bouche l’horizon, et je ne sais pas si je dois blâmer la météo ou la pollution… Rien ne peut m’aider à m’orienter dans ce labyrinthe aggloméré. La nuit tombée, je succombe cependant au chatoyant spectacle des enseignes incandescentes et des lampions étincelants dans les rues. A bord du mythique Star Ferry, mes pupilles se régalent du scintillement de la baie: les parois d’une dizaine de monstres d’aciers sont le théâtre d’une symphonie de lumières encensée. Les immenses buildings projettent des lasers phosphorescents qui semblent se perdre haut dans les cieux. Leurs réflexions sur l’eau m’hypnotisent et le temps de la traversée ne suffit malheureusement pas à tout contempler. On ne peut qu’admirer l’ingéniosité et la beauté de ces écrans LED posés pour illuminer Victoria Harbour – et pour une attraction gratuite, il aurait été réellement dommage de s’en passer!
Il faut marcher un long moment avant que la montagne ne fasse enfin barrage au bourdonnement de la mégalopole.
Bien sûr, je m’adonne aussi aux joies du shopping hors-taxes mais ces pérégrinations passées, je souhaite bientôt me mettre en quête d’un peu plus de tranquillité. Je décide de monter vers le fameux « Victoria Peak », l’un des poumons d’oxygène de la ville. De là-haut, les vues sur Hong Kong et sa baie sont imprenables et l’on peut également profiter d’agréables sentiers de randonnée. Pourtant, même au sommet, les constructions me rattrapent et les travaux font rage; il est décidément bien difficile d’échapper à la tendance nationale! Qu’à cela ne tienne, un chemin de traverse semble pouvoir m’amener de l’autre côté de l’île et me voilà en route pour Aberdeen et ses restaurants flottants. Il faut marcher un long moment avant que la montagne ne fasse enfin barrage au bourdonnement de la mégalopole. Mais une fois protégée, je ne peux que m’extasier des nombreux papillons qui m’ouvrent la voie et virevoltent à travers les arbres, de tous côtés. La nature reprend bientôt ses droits et je m’étonne presque du son cristallin qui me parvient d’un cours d’eau à proximité. Je me mets à la recherche du ruisseau pour m’y reposer et retrouver quelques moments de sérénité. La promenade dans la verdure abondante se révèle très agréable… Et lorsque je parviens à la fin du parcours, le choc n’en est que plus rude.
Je me sens ici acculée. Je ne sais décidément plus où aller…
J’atterris dans un énorme cimetière monstrueux et bétonné qui me replonge immédiatement dans une désagréable anxiété. L’enceinte est énorme et la raison pour laquelle on viendrait se faire enterrer ici m’échappe totalement… Les pentes agonisantes se succèdent comme à l’infini, et si jadis les morts pouvaient probablement bénéficier d’une vue sur la mer apaisante, on les a aujourd’hui coincés au milieu de tours infâmes et vieillissantes. Quel drame. Ajoutez à cela un collège abandonné juste à côté et le décor est posé. On me raconte même qu’il est hanté depuis qu’une institutrice s’y est pendue il y a quelques années, et je longe le bâtiment où rien ne semble avoir bougé depuis une date indéterminée. Les chaises et les tables y sont toujours alignées, tout y est encore ordonné et rangé. Très troublée, je n’ai bientôt plus qu’une seule envie: celle de déguerpir au plus vite. Je me sens ici acculée. Je semble manquer d’air pour respirer tant l’horizon est bouché de tous côtés. Et je ressens à nouveau ce besoin saisissant de m’échapper. Je ne sais décidément plus où aller…
Véritable havre de paix dans la cité, je m’émerveille enfin de l’architecture et de l’harmonie du lieu.
C’est vers Lamma, une des îles plus authentiques de la baie, que l’on me conseille enfin de me diriger pour trouver un certain calme. Je ne tombe pourtant toujours pas amoureuse de l’endroit : la centrale électrique posée là ne faisant rien pour donner du charme au panorama. Dans les villages de pêcheurs pittoresques servant des produits frais issus de la mer, je suis sidérée à la vue des (trop) nombreux aquariums qui ornent les gargotes. Dans chaque bac surpeuplé, des poissons immobiles sont en train de crever la bouche ouverte, flottant et agonisant à la surface. A la vue d’une telle souffrance, je décide donc de manger plus tard, et en attendant j’opte pour une bière pas chère! C’est finalement vers la Nonnerie de Chin Lin que je me dirigerai pour me ressourcer. Véritable havre de paix dans la cité, je m’émerveille enfin de l’architecture et de l’harmonie du lieu. J’observe durant de longues minutes les jardiniers y taillant les bonsaïs en toute sérénité… A quelques centaines de mètres, je me perds aussi dans le Temple de Wong Tai Sin où les locaux viennent se faire dire la bonne aventure. Je découvre ensuite les anciens bâtiments coloniaux rénovés de Tai Kwun ou semblent se rejoindre les expatriés. On y croise des musiciens et des danseurs de ballets sur des esplanades aérées. Ici, l’ambiance est apaisée. Pourtant si l’on lève les yeux au ciel, les majestueuses tours Hong-Kongaises semblent encore et toujours nous observer… Impossible de se soustraire à leur regard. D’ici on ne peut définitivement pas s’échapper.
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INFOS PRATIQUES
S’étendant sur une superficie totale de quelques 1100km2, le territoire de Hong Kong est découpé en quatre grandes régions que sont la presqu’île de Kowloon, l’île de Hong Kong, les Nouveaux Territoires et les îles de l’archipel. Kowloon et les Nouveaux Territoires sont situés sur le continent et limitrophes de la Chine sur une trentaine de kilomètres. De l’autre côté de la baie se trouve l’île de Hong Kong, ne représentant à peine que 7% du territoire, avec son quartier d’affaires et ses grands hôtels internationaux. Quant à l’archipel hongkongais, il regroupe les 262 autres îles. L’île de Hong-Kong – ou plus exactement Xianggang (« l’île aux eaux parfumées ») – se situe près de l’estuaire des Perles et est séparée du continent par un détroit de 2,5 km de large. Sa superficie est d’environ 83km2 pour 16 kilomètres de large sur 2 kilomètres de long en moyenne…. C’est une île montagneuse et de nombreuses baies découpent ses côtes; le plus haut sommet atteint 555 mètres.
Pour se déplacer, rien de tel que la carte Octopus qui vous ouvrira les portes de tous les transports en commun: métro, bus, tramway et même la majorité des ferries qui relient les différentes îles entre elles. Le graal coûte 150 dollars Hong Kongais incluant un crédit de 100 dollars, chaque recharge supplémentaire revenant ensuite à 50 dollars à utiliser sous 1000 jours! Si vous préférez marcher, la région dispose de nombreux sentiers de randonnée dont le fameux Hong Kong Trail parcourant plus de cinquante kilomètres à travers tous les parcs nationaux de l’île. Le parcours vers le Big Buddha de Lantau est également très populaire (même s’il existe fort heureusement un télécabine – beaucoup plus onéreux – vous amenant au sommet en cas de pluie diluvienne comme ce fut le cas lors de notre visite!). Pour info, 1 HKD = 0.11177 EUR.
Le Tai Kwun Center for Heritage and Arts est gratuit et ouvert tous les jours de 10h à 23h; vous pourrez notamment y visiter l’ancienne prison de Victoria où fut incarcéré Ho Chi Minh en 1931 puis en 1933: “The Hong Kong detention centre was huge and called Victoria Gaol…The building where they held Uncle had three storeys, with two rows of cells on each floor. The construction of the cells was such that they weren’t even worth measuring! Each cell was three yards high but only one yard wide and less than two yards long – with only enough space for a person to lie kitty-corner. High above one’s head was a small half-moon window covered with a grid of iron bars. Every day, the prisoners were allowed outside their cells for fifteen minutes to stroll around a narrow courtyard. The tight yard’s four sides were towering prison buildings with gloomy walls, making one feel he was pacing in the bottom of a well. By lifting his head, one could see a patch of sky only as large as a handkerchief. It was stifling inside his cell, but once outside, it was also still stifling.”OU DORMIR
Les logements de l’île principale sont bien sûr onéreux et personnellement, j’ai eu la chance d’être hébergée sur place… Mieux vaut séjourner dans le quartier Central pour être à proximité de toutes les attractions mais il faudra prévoir votre budget en conséquence (comptez 100€ minimum la nuit en hôtel et 25€ en auberge de jeunesse).
Les restaurants et bars des quartiers à la mode peuvent être onéreux mais il est possible de manger pas cher et traditionnel dans les restaurants typiques de la ville. Pour la plus belle vue de nuit, rendez-vous pour une verre sur le rooftop du Sevva si vous êtes prêts à en payer le prix 🙂