Le Jour où j’ai frappé à la bonne porte.
J’ai décidé de passer mon anniversaire seule. Très loin… De cette manière, je m’assure que cela soit différent; et en tout cas beaucoup plus dépaysant qu’à l’habitude. Je laisse rarement place à la déception puisque je n’attends en général strictement rien de spécial de cette journée. J’essaie cependant de me faire plaisir et de vaquer à mes occupations comme n’importe quel autre jour de l’année. Aujourd’hui, j’ai la volonté de me gâter et ai donc organisé deux plongées dans cet endroit si exotique, dont le nom aux anciennes sonorités perses me fait tellement rêver. L’hôtel dans lequel j’ai choisi de séjourner n’est pas un palais des mille et une nuits mais il dispose d’un centre sur site, et leur magnifique dhow* est amarré juste en face de la terrasse. Je suis toute excitée et je découvre ce matin avec contentement que je bénéficie d’une sortie privée avec mon intructeur, Hamissi. Mais lorsque nous partons, l’océan semble cependant avoir déserté les côtes. Les flux très forts de l’île ont comme attirée l’eau au large et j’aperçois les fonds à l’œil nu. Le bateau racle bruyamment les récifs et les nombreux coraux affleurent la coque de l’embarcation en bois… Je ne suis donc pas étonnée lorsqu’après une vingtaine de minutes à peine, nous nous retrouvons complètement coincés! Il semblerait que le responsable n’ait pas pensé à vérifier les horaires des marées. Impossible de bouger. Il va nous falloir attendre la montée des eaux avant de pouvoir repartir. Depuis la poupe, j’aperçois encore l’hôtel à une centaine de mètres de là où nous nous trouvons ; la journée s’annonce sous les meilleurs hospices!
Il nous faut près de deux heures avant de trouver une passe et de pouvoir rejoindre le site de plongée en haute mer.
Heureusement, l’équipage est charmant. Et il y a sur le bateau de quoi se restaurer en quantité ! S’ils me nourrissent, ils sont sauvés… Dans le cas contraire, je serais passablement énervée. Leur conversation me tient également éveillée et je ne vois pas trop le temps passer. Les environs sont somptueux, les couleurs simplement époustouflantes et le spectacle se suffit à lui-même. Bientôt le niveau de l’eau est remonté et nous pouvons enfin nous remettre en route, toujours aussi prudemment. Toujours aussi lentement. Il nous faut près de deux heures avant de trouver une passe et de pouvoir rejoindre le site de plongée en haute mer. A notre arrivée, le lieu est bien sûr bondé : à la surface, les bateaux déversent une grosse quantité de touristes à l’eau et c’est l’embouteillage. Mieux vaut rapidement descendre plus en profondeur pour éviter ce raffut. J’ai hâte de retrouver le monde du silence et de m’extasier sur sa beauté, plus d’un an et demi après ma dernière plongée. Enfin équipés, notre duo se jette à l’eau et je retrouve rapidement ces parfaites sensations d’abandon et de tranquillité. Malheureusement, je ne suis pas séduite par les fonds malgré la notoriété du lieu… que ce soit de part et d’autre de Zanzibar, chaque immersion se révèlera être une déception. C’est à Mafia, deux cents kilomètres plus au sud, que je déciderai finalement de me rendre pour plus de succès.
J’observe les adolescents jouer au football sur les plus incroyables et immenses plages de sable blanc qu’il m’ait été donné de contempler.
Il me reste cependant encore quelques jours à passer sur «l’île aux épices» et j’apprécie sa beauté et sa diversité. Je me plais à observer la vie léthargique de ses villages côtiers. Le soir venu, je me rends dans le hameau voisin pour partir à la rencontre de ses habitants. J’observe les adolescents jouer au football sur les plus incroyables et immenses plages de sable blanc qu’il m’ait été donné de contempler. Les plus jeunes enfants se ruent vers moi pour se faire prendre en photo et je me prête au jeu de leur tirer le portrait. Ils posent avec fierté sous les cocotiers et affichent les sourires les plus craquants qui soient. Dans les ruelles ensablées, les femmes s’affairent au puits pendant que d’autres s’évertuent à la vannerie. Les hommes sont à l’abri dans la mosquée et se montrent très discrets. Les poules, les chèvres ou encore les chats de la localité se promènent nonchalamment de maison en maison, et rien ne semble pouvoir perturber le rythme impassible des lieux. La lune prend rapidement le relais du soleil couchant et je dois me remettre en route vers l’hôtel rapidement. La soirée bien entamée est bientôt parfaite par une excellente surprise : mon hôte a décidé de préparer un homard ainsi qu’un gâteau au chocolat pour mes 37 ans. Je suis touchée, mais encore bien plus émue par les chants traditionnels en swahili que m’offre le personnel pour célébrer l’occasion. Jubilation. Entourée par la mer qui m’apaise tant, et en si bonne compagnie, je profite de ma soirée, au bout du monde, comme jamais je n’aurais pu l’envisager.
Ici, l’Afrique se mêle harmonieusement à l’Arabie, dans des odeurs venues de l’Inde.
Je m’émerveille ensuite de la capitale, Stone Town, la ville de naissance emblématique du grand Freddy Mercury. Ici, l’Afrique se mêle harmonieusement à l’Arabie, dans des odeurs venues de l’Inde. La vieille ville me rappelle le Maroc que j’aime tant, son ambiance, son énergie, ses appels à la prière. Mais la vue sur l’océan et les couchers de soleil sont ici incomparables ! Je décide bientôt de partir à la découverte des artisans locaux et notamment des fabricants des fameuses portes sculptées si caractéristiques de l’île, dont la plus vieille daterait de 1694. Au détour de mes promenades dans le vieux centre, je ne peux qu’admirer leur ouvrage. Elles paraissent indestructibles tant elles semblent épaisses et lourdes, et leurs différents motifs ont tous leur signification propre. La tradition voudrait que la porte, également ornée de ferronnerie, soit ici installée en premier lors de la construction d’une maison. D’énormes clous de cuivre les protégeaient également des attaques d’éléphants qui ne peuplent pourtant plus l’île à présent. Et l’explorateur anglais Richard Burton écrivait en 1873 : «Plus haut est le linteau, plus grande est la porte, plus lourde est la serrure, plus gros sont les clous, plus importante est la personne!». Effectivement très impressionnant…
Avec l’élan touristique de l’île et la rénovation des vieilles demeures en hôtels, c’est un réel plaisir de pouvoir admirer l’art de la porte sculptée de nouveau en plein essor.
Il suffit de sortir en périphérie de Stone Town pour trouver les menuisiers au travail. Je les observe scier en plein air, à l’ombre de manguiers. Leur système de découpe en hauteur me paraît très ingénieux : un homme au-dessus, un hommes en-dessous, afin d’amplifier les mouvements de l’instrument et élaguer efficacement le tronc en lames suffisamment conformes et identiques. Ici, tout est rudimentaire et fait à la main : les artisans utilisent de simples ciseaux à bois, des gouges* ou des maillets, et dessinent leurs frises et figures au crayon, avant de finalement polir minutieusement le tout au papier de verre. La plupart des portes sont en teck (ce bois importé, réputé imputrescible et relativement bon marché), mais l’on trouve encore de très impressionnantes portes taillées dans des bois locaux, tels que le magnifique manguier ou le jacquier. Avec l’élan touristique de l’île et la rénovation des vieilles demeures en hôtels, c’est un réel plaisir de pouvoir admirer l’art de la porte sculptée de nouveau en plein essor. Quel régal de retourner déambuler dans les ruelles de la ville afin de les dénicher ! Je passe des heures à me promener et à les contempler une fois trouvées. De plus, les clameurs du célèbre Festival Sauti Za Busara* commencent à s’élever et mes promenades sont à présent agrémentées, à chaque coin de rue, de musiciens venus jouer du monde entier. Zanzibar est décidément une destination bien surprenante en ce mois de février ! J’y reviendrai sans hésiter.
*Dhow = Le nom de dhow, ou boutre, est donné dans l’océan Indien à de petits cargos de construction traditionnelle arabe. Ce sont des navires motorisés de 300 à 500 tonnes de charge, à coque en bois très élancée.
*Gouge = ciseau de fer concave, creusé en gouttière, pour la taille du bois ou de la pierre.
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INFOS PRATIQUES
Du 7 au 10 février 2019, la capitale de Zanzibar, Stone Town, accueillera la 13ème édition du festival international de musique africaine, Sauti Za Busara. Avec environ 18 000 visiteurs et plus d’une trentaine d’artistes venus de tout le continent, l’événement est aujourd’hui considéré comme l’un des sept plus grands festivals africains: « Sauti za Busara brings people together to celebrate African music under African skies. » Attention, pendant la période du Festival, l’île est bondée et par conséquent les tarifs beaucoup plus élevés…
Pour vous rendre à Zanzibar, le plus simple est de prendre le ferry ou l’avion depuis Dar Es Salaam, la capitale de la Tanzanie. En ferry, comptez 3 heures de trajet environ avec plusieurs départs par jour (Azam Ferry). Les conditions de navigation pouvant être extrêmement difficiles, j’ai personnellement opté pour le vol de 20 minutes proposé par les compagnies locales – Coastal, ZanAir, Auric, etc. Le prix passe du simple au double (70USD / 150USD) mais c’est toujours plus beau vu d’en haut!
OU DORMIR
Du côté Est de l’île, aux alentours de Matemwe, j’ai séjourné à la Zanzibar House, à mi-chemin entre l’hôtel et la maison d’hôtes. Je recommande son restaurant et sa plage incroyables mais certainement pas le centre de plongée, le gérant (en fait, le fils du propriétaire des lieux) étant, si ce n’est azimuté, totalement incompétent. Comptez 110€ minimum par nuit avec petit-déjeuner si vous êtes fin négociateur… L’environnement y est très tranquille: pour faire la fête, privilégiez les localités de Paje (au sud-est) ou Kendwa (au nord de l’île).
A Stone Town, vous ne manquerez pas non plus d’options! J’ai choisi The Swahili House pour sa situation géographique très centrale et sa terrasse incomparable. Comptez environ 80USD en basse saison pour une chambre double. Le personnel et la nourriture y sont fantastiques! Pour la plus belle vue, rendez-vous au Emerson on Hurumzi and the Tea House Restaurant, mon coup de coeur, deux ruelles plus loin 🙂